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Combler les lacunes dans la crise du vol de voitures au Canada : mettre un terme à l’exportation des véhicules volés

5 septembre 2024 | Par : Hanna Beydoun, responsable des politiques, IBC
Combler les lacunes dans la crise du vol de voitures au Canada : mettre un terme à l'exportation des véhicules volés

Le Canada est aux prises avec une crise du vol de voitures qui coûte des milliards de dollars aux Canadiens. Les pertes liées au vol de voitures ont grimpé de plus de 254 % entre 2018 et 2023, dépassant 1.5 milliard de dollars en coûts de sinistres directs pour les véhicules de tourisme privés au cours de la dernière année. Et ce chiffre n'inclut pas tous les coûts économiques et émotionnels associés aux retombées du vol de voitures, comme les coûts des services de police et des tribunaux, ainsi que l'impact sur le sentiment de sécurité des Canadiens dans leur foyer et leur communauté.  

Le vol de véhicules est un problème complexe et sa lutte nécessite une approche sociétale qui inclut les forces de l’ordre, les assureurs, les constructeurs automobiles et tous les ordres de gouvernement. Elle implique également tous ceux qui sont impliqués dans le transport et l’exportation, comme les exportateurs, les transitaires, les transporteurs maritimes et les entreprises de camionnage.

Les gouvernements et les forces de l'ordre ont pris des mesures pour lutter contre le vol de voitures, ce qui devrait contribuer à réduire l'incidence de ce type de vols au fil du temps. Il reste toutefois encore beaucoup à faire. Les détournements de voitures au Canada sont en hausse, en particulier dans les grandes villes, en grande partie dus au crime organisé qui cible les véhicules de luxe destinés à l'exportation ou à la revente.

Les criminels exploiteront toute faille pour expédier les véhicules volés hors du Canada vers des marchés plus lucratifs, d’où l’importance de veiller à ce que toutes les lacunes du réseau d’exportation de véhicules volés soient comblées. Le réseau d’exportation de véhicules volés désigne un système ou un réseau d’expédition d’exportation organisé utilisé pour le vol et l’exportation illégaux de véhicules. En profitant des faiblesses de ce système, les criminels transportent les véhicules volés vers d’autres pays où ils peuvent être vendus avec une marge importante, générant ainsi des profits plus élevés.Ces réseaux sont souvent sophistiqués et utilisent des méthodes avancées pour échapper à la détection, comme la modification Numéros d'identification du véhicule (VIN), la falsification de documents et l'utilisation de pratiques d'expédition frauduleuses. L'objectif ultime du réseau criminel est de faire circuler des véhicules volés au-delà des frontières internationales, ce qui complique la tâche des autorités pour les retrouver et les récupérer.

Les médias ont largement rapporté que de nombreux véhicules volés sont expédiés à l’étranger. Mais comment ces véhicules quittent-ils le pays sans être détectés ? Il existe plusieurs méthodes. Dans certains cas, les véhicules sont conduits directement aux ports et chargés dans des conteneurs de fret, qui sont ensuite placés sur des paquebots et partent avant d’être interceptés. Dans d’autres cas, les véhicules sont transportés vers les ports par camion ou par train.

Réseau de transport d'exportation de véhicules volés

Voici à quoi ressemble le réseau de transport d’exportation typique des voitures volées :

  • Expéditeur ou exportateur : Il s’agit de l’entité chargée de lancer l’expédition des marchandises. Au Canada, l’absence d’exigences réglementaires strictes signifie que presque n’importe qui peut devenir expéditeur, ce qui facilite l’entrée des éléments criminels dans le processus d’exportation.

  • Transitaire ou prestataire de services douaniers : c'est là que s'effectue toute la logistique du processus d'exportation, y compris la réservation d'espace de chargement sur les navires. Il agit comme intermédiaire entre l'expéditeur et le transporteur, en gérant la documentation nécessaire et les contrôles de conformité. Cependant, dans les cas de véhicules volés, ces contrôles peuvent être contournés ou mal effectués.

  • Entreprises de camionnage/drayage : Le camionnage est le transport de conteneurs d'expédition par camion jusqu'à leur destination finale. Il s'agit généralement d'un trajet sur une courte distance entre les modes, comme le camionnage vers le rail ou le rail vers le transporteur maritime. Ces entreprises de camionnage sont souvent embauchées par les transporteurs maritimes pour déplacer les conteneurs vers l'étape suivante du transport, jouant un rôle crucial dans le rapprochement des véhicules volés de leurs destinations internationales.

  • Compagnies ferroviaires : Les compagnies ferroviaires transportent des conteneurs sur de longues distances à l'intérieur du pays, les déplaçant des endroits situés à l'intérieur des terres vers les principaux ports pour l'exportation. Les véhicules volés peuvent être dissimulés dans des conteneurs et déplacés sans être détectés au-delà des frontières provinciales vers des ports où ils peuvent être expédiés à l'étranger.

  • Ports : Les principaux ports, comme le port de Montréal, sont des plaques tournantes essentielles au processus d’exportation. L’IBC estime que la majorité des véhicules volés en Ontario et au Québec transitent par ce port, où ils sont chargés sur des navires en vue de leur exportation internationale. Le volume considérable du trafic et la complexité des opérations portuaires rendent difficile l’identification et l’interception des conteneurs transportant des véhicules volés.

  • Transporteurs maritimes : Il s’agit des navires qui transportent des marchandises, notamment des véhicules volés, dans les eaux internationales. Au Canada, 85 % du commerce maritime est assuré par seulement 10 entreprises étrangères. La loi interdit l’ouverture d’un conteneur une fois chargé sur un navire, ce qui scelle son contenu jusqu’à ce qu’il atteigne sa destination. La nature transactionnelle de ces transporteurs signifie qu’ils n’ont souvent pas la motivation nécessaire pour vérifier minutieusement la légitimité de la marchandise qu’ils transportent.

Le problème

L’absence de surveillance et de réglementation au sein du réseau d’exportation de véhicules volés permet aux acteurs malveillants de la communauté des transitaires de faciliter facilement l’expédition illégale de véhicules volés hors du pays. Des opérateurs malhonnêtes et « éphémères » créés dans le but de subvertir le système présentent des documents faux ou contrefaits aux transporteurs maritimes, dénaturant ainsi le contenu des cargaisons. Ces opérateurs éphémères sont souvent mis en place rapidement et ne fonctionnent que pendant une courte période, pour éviter de se faire prendre. Les opérateurs exploitent le système en classant les véhicules volés comme des objets inoffensifs, comme des meubles, pour échapper à la détection.

Même les transitaires les mieux intentionnés peuvent parfois transporter sans le savoir des véhicules volés en raison de l’absence de responsabilité législative pour les marchandises qu’ils transportent. Sans réglementation claire et contrôles obligatoires, les transitaires légitimes pourraient par inadvertance devenir complices de l’exportation de biens volés, ce qui souligne la nécessité d’une surveillance plus stricte dans le secteur.

Avant que les véhicules volés n'atteignent les transporteurs maritimes, ils sont souvent placés dans un camion ou un wagon. Les sociétés de transport routier et les chemins de fer recueillent peu d'informations sur le contenu des conteneurs qu'ils transportent et ne sont pas toujours tenues d'inspecter le contenu des conteneurs. Il existe peu de réglementations obligeant les sociétés de transport routier ou ferroviaire à inspecter ce qu'elles transportent.

Une fois que les véhicules volés sont acheminés vers un port pour être chargés sur un navire de transport maritime, il n'y a tout simplement pas assez d'inspecteurs de l'Agence des services frontaliers du Canada pour inspecter tous les conteneurs. C'est là qu'un meilleur partage de l'information et des renseignements est primordial, car cela permettrait de procéder à des fouilles ciblées des porte-conteneurs, quel que soit le niveau de ressources.

Combler les lacunes

Pour répondre aux préoccupations croissantes du réseau d’exportation de véhicules volés, il est essentiel de mettre en œuvre des mesures qui garantissent la responsabilisation et empêchent les activités de transitaires « éphémères » ou d’autres entités sans scrupules. Le Bureau d’assurance du Canada (BAC) recommande au gouvernement fédéral d’adopter de nouvelles règles pour les transitaires, les obligeant à vérifier que les documents fournis par l’exportateur reflètent fidèlement le contenu du conteneur. Ce processus de vérification devrait inclure une inspection physique du véhicule pour confirmer le NIV. Si le NIV ne correspond pas aux informations fournies par l’exportateur, l’expédition devrait être interrompue, car l’exportation de biens obtenus par le biais d’activités criminelles est une infraction criminelle au Canada.

Actuellement, la réglementation canadienne permet de modifier et de soumettre les documents d’exportation après le départ du navire du port. En revanche, le service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis exige que les exportateurs de véhicules soumettent tous les documents d’exportation et présentent les véhicules au port au moins 72 heures avant l’exportation. Cette procédure a contribué à une réduction significative de l’exportation de véhicules volés aux États-Unis Pour remédier à cette divergence, l’IBC recommande fortement au Canada d’adopter des procédures douanières similaires, exigeant la présentation des documents et des véhicules au moins 72 heures avant l’exportation.

Le balayage est également un élément essentiel pour empêcher l’exportation de véhicules volés. Tout comme les passagers et le fret sont soumis à un contrôle minutieux dans les aéroports, l’augmentation du balayage à des niveaux similaires dans les gares ferroviaires et maritimes et dans les ports peut améliorer la capacité de détecter et d’intercepter l’exportation de véhicules volés. La combinaison d’un balayage amélioré dans les ports avec une intervention précoce dans les gares ferroviaires et maritimes peut renforcer davantage les efforts visant à prévenir l’exportation de véhicules volés. À cette fin, l’IBC félicite le gouvernement fédéral pour son récent déploiement d’un scanner à rayons X mobile dans la région du Grand Toronto (RGT) pour faciliter l’examen des conteneurs d’expédition. L’IBC demande que des mesures de balayage accrues soient prises pour intercepter et arrêter l’exportation de véhicules volés.

L'IBC félicite le gouvernement fédéral pour sa Plan d'action national de lutte contre le vol de voitures. Le gouvernement devrait toutefois élargir la portée du plan pour inclure une plus grande responsabilisation des entreprises qui exportent. La résolution de la crise du vol de voitures nécessitera une approche à l'échelle de la société, et il est essentiel que les transitaires, les sociétés ferroviaires et de camionnage, les transporteurs maritimes et les autres intervenants de la chaîne d'exportation participent à la recherche de solutions. Nous avons tous un rôle à jouer pour mettre fin au vol de voitures et faire du Canada un endroit plus sûr où vivre. Le BAC et ses membres sont prêts à travailler avec les gouvernements et les intervenants pour mettre fin à la crise du vol de voitures au Canada.

À propos de cet auteur

Hanna Beydoun est une experte chevronnée en politiques et occupe le poste de gestionnaire des politiques au sein de l'équipe des politiques automobiles et commerciales du Bureau d'assurance du Canada (BAC) depuis 2022. Elle dirige le dossier national de l'assurance automobile, élaborant des solutions de politiques publiques pour améliorer l'accessibilité, l'abordabilité, et l'innovation au sein des systèmes d'assurance automobile à l'échelle nationale, avec un accent particulier sur l'Alberta. Hanna dirige également le travail de politique publique du BAC sur le dossier national du vol de voitures, créant des stratégies efficaces et des solutions concrètes pour les gouvernements fédéral et provinciaux. 

Avant de rejoindre le BAC en 2019, Hanna a occupé divers postes politiques au sein de la fonction publique de l'Ontario et de la fonction publique fédérale.

Hanna est titulaire d'une maîtrise en politiques publiques de l'Université de Waterloo et d'un baccalauréat ès arts de l'Université McMaster. Elle a également suivi le programme Women in Leadership de l'Université Harvard et le programme MBA Essentials de la Rotman School of Management.

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